Filmer la divination chez les Inuit du Nunavut
En écho à une approche dont Jean-Guy Goulet s’est fait le défenseur, tant auprès des Wayùu de Colombie qu’avec les Déné Tha’ du Canada, et en réaction à l’un de ses articles sur la prière et les médias publié dans Recherches amérindiennes au Québec, l’auteur revient sur l’approche des Ateliers de transmission intergénérationnelle des savoirs (ATIS) mise au point avec Jarich Oosten et le Nunavut Arctic College au début des années 2000, et sur l’usage de la caméra. À travers l’exemple du qilaniq, un rituel divinatoire que les Inuit pratiquent depuis le xvie siècle, il avance que le format des ATIS permet de répondre à deux grandes critiques classiques adressées aux anthropologues. La première observation, formulée par J. Fabian, porte sur un problème de temporalité, le temps partagé lors de la rencontre entre l’ethnologue et son participant n’étant pas celui du récit anthropologique; la seconde concerne la fabrique du savoir anthropologique largement attaqué par les postmodernes. Or, en rendant le contexte d’énonciation plus transparent et en privilégiant une anthropologie expérientielle proche de celle que prône Jean-Guy Goulet, les ATIS permettent de faire de l’anthropologue un participant – pas seulement un facilitateur. Dans le contexte de performances filmées, « faire comme si » ouvre des possibilités en termes d’expérimentation, en même temps que cela permet aux aînés inuit de mettre en valeur leurs traditions à une époque marquée par d’urgents besoins dans le domaine de l’éducation et de la transmission des savoirs.