Les reptiles dans les savoirs et l’imaginaire des Nahuas/Maseualmej de la Sierra Norte de Puebla (Mexique)
Les serpents sont de ces animaux que Claude Lévi-Strauss appelait « bons à penser ». Chez les Nahuas/Maseualmej du bassin de la rivière Apulco, dans la Sierra Norte de Puebla (Mexique), les représentations des reptiles et des amphibiens se déploient à plusieurs niveaux : cognitif-empirique, pratique et cosmique. Le présent article explore ce dernier niveau et révèle, entre autres, une continuité structurelle frappante entre les attributs et fonctions de certains reptiles dans les représentations autochtones contemporaines et ceux qu’on associait à des divinités chez les Aztèques, au moment de la conquête espagnole, et ce malgré le changement des contenus. Par exemple, une fonction de Quetzalcoatl, hybride serpent-oiseau, celle d’« ouvrir la voie aux nuages de pluie », s’est reportée sur l’hirondelle qui « balaie le ciel » : redevenu reptile fantastique, kuesalkouat, tout comme le gecko, « appelle la pluie ». De même les fonctions nourricières de Tlaloc et de Chicomecoatl sont maintenant partagées entre Aueuejcho et les Foudres, qui « font pleuvoir », et les Talokej et le boa, qui protègent la croissance des épis. Les auteurs démontrent ici que, chez les Maseualmej d’aujourd’hui, la nature, plus particulièrement l’univers animal, se fond dans une surnature. De la même manière, la frontière entre l’humain et l’animal apparaît poreuse et traversée de liens mystiques qui se révèlent quand on examine les croyances à l’« âme double » (tonal).